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Elle m’a fait un enfant dans le dos

C’est un couple qui vient me voir ce matin là avec comme problématique : la confiance. Ou plutôt la rupture de la confiance qu’ils s’étaient accordée de manière tacite lors de leur rencontre.

Ils sont en couple depuis 4 ans. Elle a 29 ans et lui 27 ans. Tous les 2 ont un travail et ont aménagé ensemble 6 mois auparavant.

Dans la logique des traditions sociétales et familiales, tout le contexte était propice à la fabrication d’enfants.

Seulement voilà, lui n’en veut absolument pas. Dans un 1er temps, elle ne comprend pas pourquoi, alors elle lui propose d’en discuter ensemble, puis avec des amis, avec les familles, mais rien ne le fait changer d’avis. Dans un 2ème temps elle essaie de le sensibiliser à son envie à elle, à la tristesse dans laquelle il la plonge volontairement, que s’il l’aime alors il peut faire l’effort de…

On va s’arrêter un instant sur ce dernier argument. En théorie, quand on est en couple, on fait un enfant à 2. Or là, sa nécessité de maternité est telle qu’elle pense qu’il changera d’avis pour la seule raison de l’amour qui lui porte et non de l’envie qu’il aurait à devenir père. Elle ne pense pas l’inverse.  C’est-à-dire que par amour pour lui, elle renonce à être mère.

Cet argument n’ayant rien donné, il a fait place à la colère. Celle de Madame devant l’obstination de son compagnon, couplée à sa frustration qu’il s’amplifie au fil du temps. Celle de Monsieur devant la focalisation de sa compagne, sur le fait que maintenant tout tourne autour du sujet d’un enfant, sur l’évaluation de son amour pour elle résumé à son acceptation ou pas de devenir père.

Le couple se distend

Ce jour-là, dans mon cabinet, le couple est venu me voir car Madame est enceinte. Monsieur me dit aussitôt : « elle m’a fait un enfant dans le dos ». Elle m’explique qu’en effet, elle a arrêté de prendre la pilule sans le lui dire, que de toute façon, elle veut un enfant, que ça lui plaise ou non. Et que NON, elle ne se fera pas avorter même si elle est encore dans les délais. Lui me dit qu’il ne veut pas devenir père avec une femme en qui il n’a plus du tout confiance. Que c’est trop « facile » pour les femmes d’imposer une maternité.

Je lui demande alors qu’elles sont les précautions qu’il a prises pour que sa compagne ne tombe pas enceinte à son insu. Il me répond : « aucune…Mais j’avais confiance en elle ! ». Et oui, en effet, comment aurait-il pu penser qu’elle refuserait d’entendre son non désir de paternité ?

De son côté, Madame m’explique que son désir d’enfant était irrépressible. Elle ne comprend pas ce qui fait peur à son compagnon, alors que tout est en place pour devenir parents et être heureux.

Si les femmes veulent un enfant, elles ont cette possibilité qui est de ne pas demander l’autorisation à leur compagnon pour le faire. Mais les hommes ont aussi la possibilité de mettre des préservatifs, de se retirer avant l’éjaculation, de ne pas pénétrer et explorer d’autres façons de prendre du plaisir.

Ceci dit, Madame doit prendre conscience que son envie d’enfant ne justifie pas d’avoir exclu le futur père de la prise de décision. C’est trop grave, non pas pour elle, mais pour l’enfant à naître.

L’égalité homme/femme face à la grossesse

La loi sur l’avortement permet à la femme de disposer librement de son corps et c’est une bonne chose ! Cependant, pour certaines, cette liberté est compliquée à gérer dès l’instant où elles tombent enceinte à un moment de leur vie qui n’est pas favorables pour vivre leur grossesse de manière sereine.

Il y a des pères qui ne savaient même pas qu’ils l’étaient. Ils en ont fait la découverte des mois, voire des années après, parfois par le biais d’une assignation devant le tribunal pour une demande de « reconnaissance en paternité ». C’est le « coup d’un soir » qui leur tombe sur la tête.

Devenir père de cette façon est un vrai choc psychologique. A tous ces hommes qui n’ont pas fait attention, on fait trop confiance, ont laissé dans les mains de leur partenaire le soin de la contraception, on pourrait leur dire qu’ils n’avaient cas mettre un préservatif.

Est-ce que cela en fait pour autant des hommes inconséquents ? Dans certaines situations, ce n’est pas aussi simple. Si les 2 partenaires sont au clair sur la façon dont ils vont se protéger (mode contraceptif, test VIH, …) pourquoi, alors, ne pas se sentir mutuellement en confiance ?

Il y a un vrai vide juridique. Si la Loi autorise un accouchement sous X, elle n’autorise pas une reconnaissance en paternité sous X, ce qui engendre un vrai sentiment d’injustice pour ces hommes dépossédés de leur choix de paternité.

Et l’enfant à naître dans tout ça ?

Mon travail est de faire prendre conscience à ces futurs parents, qu’un enfant va venir au monde. Qu’ils ne peuvent pas faire porter à ce dernier une arrivée sur terre avec comme fardeau la défiance de son père vis-à-vis de sa mère et la déception de sa mère par rapport à l’engagement de son père dans leur relation amoureuse.

Difficile pour ce couple de construire leur parentalité dans leur désaccord. Quelle que soit leur décision, il faudra les accompagner pour faire en sorte que leur enfant ne subisse pas le conflit dont il est porteur avant même d’arriver sur terre. Il ne faut pas qu’il devienne l’enfant « de la trahison ».

Mes conseils lectures :

Paternités imposées : Un sujet tabou de Mary Plard