Y a t'il vraiment un enfant préféré ?
Il m’arrive régulièrement, lors des thérapies familiales à domicile que je pratique, d’être confrontée à une fratrie et inexorablement, à un moment donné, un des enfants lance: « de toute façon, il (ou elle), c’est le (ou la) chouchou! ».
Sous-entendu, c’est cet enfant-là qui est le préféré des ou d’un des 2 parents.
Et ce sentiment perdure jusque dans leur vie d’adulte. Aussi, lorsque j’interroge ces « anciens » enfants, la plupart évoquent leur relation à la fratrie ou à leurs parents, comme une incompréhension à avoir été désigné comme « chouchou » ou au contraire à s’être sentie moins aimé que ses frères et sœurs.
Quel que soit le point de vu de cet adulte, il s’est construit avec un sentiment négatif à son endroit. Ce qu’il était en tant qu’être singulier, n’était soit pas reconnu, soit difficile à gérer avec le parent trop aimant. Il le vit encore très souvent, étant à l’affut du moindre élément qui pourra valider son sentiment, lors d’évènements familiaux de toute sorte.
Le chouchou existe t'il vraiment ?
Et bien oui !
En tant que parent, vous n’allez pas avoir le même type de relation avec chacun de vos enfants. Beaucoup d’études ont en effet démontré que le parent a, dans 40% des cas, une plus grande attirance envers l’un de ses enfants. Pourtant, se l’avouer in petto, et pire encore, à haute voix, reste tabou.
C’est normal puisque le parent va tisser avec chacun de ses enfants un lien singulier et d’autant plus spécifique si les enfants ne sont pas du même sexe. Comme nous sommes tous des miroirs les uns pour les autres, chaque enfant va renvoyer au parent une partie de lui-même, de sa propre vie d’enfant. Dans une fratrie, un parent peu aimer ses enfants avec la même force, mais avec beaucoup de nuances. Même si l’enfant est de fait, influencé par l’environnement dans lequel il grandit, il n’en reste pas moins un être humain à part entière, avec son propre caractère, sa propre forme d’expression et de penser.
Faire la différence entre ses enfants a du bon
Françoise Dolto disait souvent : les enfants d’une même fratrie n’ont pas tous les mêmes parents. Pourquoi ? Parce que chacun arrive à un moment particulier de la vie de ses parents. La maman qui accouche à 35 ans de son troisième enfant n’est plus celle qui, à 18 ans, a donné naissance à son premier. Comment imaginer qu’elle puisse tisser des liens similaires avec l’un et l’autre?
Il est important que chaque enfant, pour bien faire le chemin de l’individuation, soit traité différemment de ses frères et sœurs. Les attitudes du parent sont dans un premier temps conditionnées par la différence d’âge entre ses enfants, différences de sexe, différence d’individualité.
Un enfant est perçu, et se sent aimé par ses parents comme « un » et unique, que s’il peut se reconnaître comme tel, accepter dans sa singularité et prendre conscience de sa valeur. Car oui, être différent à une valeur.
Vouloir à tout prix uniformiser les relations entre ses enfants et soi-même, gomme les capacités et compétences qu’un enfant a par rapport à un autre. Cela se traduit généralement, par exemple, lors des anniversaires, où le parent offre le même cadeau à chacun, ou offre un cadeau à tous alors que ce n’est l’anniversaire que d’un. C’est aussi le parent qui s’interdit d’avoir des moments d’intimité avec l’un d’eux. C’est vouloir toujours tout partager à part égale.
Trop aimer un de ses enfants a des conséquences
Si le lien avec l’enfant préféré est disproportionné, qu’il est exclusif, le parent doit s’interroger sur son fonctionnement. Pourquoi aime t’il autant cet enfant et pourquoi rejette t’il les autres?
Cette attirance excessive est souvent une forme inconsciemment incestueuse. Elle peut aussi naître de la façon dont l’enfant est arrivé au monde. S’il est malade par exemple ou que sa naissance a été vécue dans un moment familial dramatique ou compliqué. Il sera « la bulle de répit » du parent, que par effet miroir, le parent va vouloir absolument protéger par peur que cet enfant là ne souffre. L’enfant ne sera pas aimé pour lui-même, mais pour ce que le parent retrouve ou projette en lui.
Et le reste de la fratrie ne va pas supporter cette exclusivité. Les relations entre les enfants vont être dures, parfois violentes. Chaque enfant fera tout ce qui lui est possible pour se distinguer des autres. Ils vont se disputer les restes « d’amour » que le parent en question voudra bien leur donner.
Alors que faire?
Par la peine de culpabiliser !
Personne ne contrôle ses émotions ou sentiments profonds. Acceptez cet état de fait simplement, dans votre for intérieur. OK, vous avez plus d’affinité pour l’un de vos enfants.
Il va falloir maintenant être attentif à ne pas laisser cette préférence devenir nocive pour l’équilibre familial.
- Soyez juste et aimant(e) avec la fratrie.
- Organiser des moments et activités seul(e) avec chaque enfant.
- Apprenez à découvrir plus profondément les singularités des autres enfants.
- Donnez la possibilité à chaque enfant d’exprimer ce qu’il ressent.
- Arrêter de comparer les enfants entre eux si ce n’est que pour mettre en valeur le « chouchou ».
- Mettez plutôt en valeur les compétences de chacun.
Et toujours, ne restez pas seul(e) face à vos questionnements. Parlez-en !