Nous sommes les premiers conteurs de l’histoire de notre vie
Afin de rendre supportable l’estime que l’on a de Soi, on arrange, on oublie, on bidouille des parties de notre histoire de vie quand on la raconte aux autres, mais surtout à soi-même.
Nous sommes tous de grands menteurs, ou plutôt de grands arrangeurs. Il faudrait en effet pouvoir vivre avec toutes les choses que l’on a engendrées ou que l’on a créées. En fonction de la personne que l’on a en face de nous, on va broder, embellir, déformer, taire des parties, se donner un rôle plus supportable, plus acceptable à nos yeux. Enfin quand je dis « à nos yeux », je devrais plutôt dire à notre conscient.
Le poids de la culpabilité ou le besoin d’exister autrement, amène chacun de nous à rejouer tout ou partie d’une histoire vécue.
Lors d’une séance de thérapie, les personnes vont « raconter » l’histoire d’une partie de leur vie, et cette histoire constitue leur réalité. Les grands moments essentiels, les rencontres importantes, les changements et les coups durs, les « depuis que je suis petit » et les « je suis comme ça depuis toujours », tout cela tricote des récits auxquels elles s’identifient. Ce qui est très intéressant, c’est quand ces personnes prennent conscience que le récit de leur vie est fait d’une coexistence de plein d’histoires. Et chacune de ces histoires à une valeur, un intérêt par rapport à la suivante.
Raconter une histoire pour mettre son problème « à l’extérieur »
« il était une fois » ou « imaginez … » sont des mots au pouvoir magique autant pour les enfants que les adultes. Ils ont le pouvoir de nous transporter dans l’imaginaire, dans un ailleurs temporel, spatial (dans un pays lointain), où tous les possibles sont permis. En thérapie ils permettent de construire plusieurs façons de voir une problématique, même les plus farfelues.
Raconter son problème en le verbalisant comme s’il était un conte, donne au patient un vrai pouvoir de reprise en main sur ce dernier. Il le met en perspective et le dédramatise. Quoi qu’il invente ce n’est pas grave puisque c’est seulement un conte de fée !
Le conte au service de la thérapie familiale
En thérapie familiale, lors de conflit, cet outil introduit la possibilité de dire des choses à l’autre parfois compliquées à exprimer. Je démarre souvent la séance en transposant l’histoire familiale dans un univers parallèle, agrémenté d’un décor proche de la réalité. Dans ce moment-là, l’exercice commence évidement toujours par « il était une fois » ou « imaginez … ». Chacun peut alors s’octroyer le rôle qu’il veut et faire évoluer le conte dans une direction ou une autre. Ce qui est génial, c’est de constater qu’au fil du récit, les positions changent, les idées de résolution du problème émergent.
En simplifiant les situations, le conte permet un accès aux processus de base de l’inconscient. Les images qu’il réveille ouvrent une voie non dramatique, il participe à abaisser le seuil défensif de la famille en abordant le symptôme par le détour du récit.
Le conte remet de la créativité et donne du sens aux problèmes qui bien souvent figent le fonctionnement d’une personne ou d’une famille, ne leur permettant plus d’élaborer des solutions. Les histoires sont une bonne façon d’aider à gérer les émotions, et ce, quel que soit l’âge de la personne qui l’entend ou la raconte.