L’incapacité de certains enfants à créer des liens avec leurs pairs à l’école est un phénomène qui suscite une grande inquiétude, tant chez les parents que chez les professionnels de l’éducation et de la santé mentale.

Derrière ce comportement se cachent souvent des dynamiques complexes, notamment la potentielle violence intrafamiliale et ses répercussions sur le développement psychique de l’enfant.

Les Défis de la Création de Liens à l’École

Les interactions sociales jouent un rôle fondamental dans le développement émotionnel et social des enfants. Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés à nouer des liens avec ses pairs, cela peut entraîner de l’isolement, une faible estime de soi et des difficultés scolaires. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces difficultés, mais un élément clé souvent sous-estimé est l’impact de l’environnement familial, notamment en cas de violence intrafamiliale.

Violence Intrafamiliale : Un Terrain Fertile pour la Peur et l’Évitement

La violence intrafamiliale englobe diverses formes de maltraitance, y compris la violence physique, émotionnelle, verbale et psychologique. Les enfants exposés à de telles violences peuvent développer des réponses de stress post-traumatique complexe, un état qui altère profondément leur capacité à se sentir en sécurité et à établir des relations de confiance avec les autres.

Selon Bowlby (1980), la théorie de l’attachement montre que les enfants qui ne développent pas un attachement sécurisé avec leurs parents ou tuteurs sont plus susceptibles d’avoir des difficultés relationnelles plus tard dans la vie. Ces enfants, ayant expérimenté des environnements instables ou menaçants, développent des mécanismes de défense pour se protéger, tels que l’évitement social, la méfiance envers les autres, ou encore des comportements agressifs ou défensifs pour repousser toute tentative d’interaction.

Les répercussions de la violence intrafamiliale sur le psychisme de l’enfant se manifestent souvent par :

• Méfiance Généralisée : L’enfant a du mal à faire confiance aux adultes et à ses pairs, craignant d’être blessé ou rejeté.
• Faible Estime de Soi : Les enfants victimes de violences internes à leur famille intériorisent souvent un sentiment de culpabilité ou d’inadéquation, renforçant leur retrait social.
• Hypervigilance : En réaction à un environnement familial imprévisible ou dangereux, l’enfant peut rester constamment sur ses gardes, limitant sa capacité à se détendre et à s’engager socialement.
• Évitement et Isolement : Pour éviter la douleur du rejet ou des conflits potentiels, l’enfant peut choisir de s’isoler, réduisant ainsi les opportunités de créer des liens avec ses pairs.

Le Rôle des Thérapies Systémiques et les outils pour les traumatismes complexes

La thérapie systémique considère l’enfant non pas comme un individu isolé, mais comme une partie intégrante d’un système familial. En examinant les interactions et les dynamiques familiales, cette approche vise à identifier et à modifier les schémas de communication dysfonctionnels qui perpétuent le mal-être de l’enfant. Les interventions peuvent inclure :

• Thérapie Familiale : Travailler avec toute la famille pour améliorer la communication, résoudre les conflits et créer un environnement de soutien pour l’enfant.
• Modification des Rôles et Dynamiques Familiales : Identifier les rôles rigides ou les alliances malsaines au sein de la famille qui pourraient exacerber le stress de l’enfant.
• Renforcement de l’Attachement Sécurisé : Encourager des interactions positives et cohérentes entre les parents et l’enfant pour reconstruire un sentiment de sécurité et de confiance.

Les outils utilisés pour le Trauma Complexe se concentrent sur les pensées, la narration, les émotions, les ressentis dans l’instant présent et les comportements de l’enfant, offrant des outils pratiques pour changer les schémas de pensée négatifs et les comportements d’évitement. On utilise :

• Restructuration Cognitive Narrative : Aider l’enfant à identifier et à remplacer les pensées irrationnelles ou négatives par des pensées plus réalistes et positives. Par exemple, remplacer « Personne ne veut être mon ami » par « Peut-être que je n’ai pas encore rencontré les bonnes personnes ».
• La verbalisation de ses ressentis internes dans l’instant présent : Aider l’enfant à observer ce qu’il ressent dans l’instant présent quand il évoque ses difficultés à créer des liens avec ses pairs, en mettant ses mots sur l’endroit précis où ils apparaissent dans son corps. Définir avec lui quels actions externes les apaisent tout de suite, en lien avec ses 5 sens.
• Exposition Graduée : Encourager l’enfant à s’engager progressivement dans des interactions sociales, en commençant par des situations moins menaçantes pour augmenter lentement leur niveau de confort et de confiance.
• Développement des Compétences Sociales : Enseigner des compétences sociales spécifiques telles que l’initiation d’une conversation, l’écoute active, ou la gestion des conflits de manière assertive, pour renforcer la capacité de l’enfant à se lier aux autres.
• Gestion de l’Anxiété : Utilisation de techniques de relaxation, comme la respiration profonde ou la visualisation, pour aider l’enfant à gérer les symptômes d’anxiété qui peuvent entraver ses interactions sociales.

Pour pouvoir mettre en place ces outils, il est absolument indispensable que l’enfant ne subissent plus de violences intrafamiliales. Cela exige une mise en protection de l’enfant, soit via un travail thérapeutique familial, soit via un placement ponctuel ou prolongé de l’enfant en dehors de la famille.