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Les mécanismes du harcèlement chez l’agresseur

On ne devient pas harceleur ou victime par sa propre volonté. Il faut qu’il existe un ensemble de circonstances, dans un contexte donné pour que les mécanismes du harcèlements puissent se mettre en œuvre.

On n’est pas victime de harcèlement par hasard. On est choisi par le harceleur qui a la capacité aiguisée de détecter chez quelqu’un la possibilité de devenir « une proie » facile. La « différence » sous toutes ses formes, est la première porte d’entrée au harcèlement.

Paradoxalement, le harceleur et le harcelé présentent souvent de nombreux points communs au niveau de leur fragilité psychologique. Ils ont une mauvaise perception de leurs émotions et, de ce fait, une mauvaise analyse de leurs ressentis. Ils ont également un mauvaise estime d’eux-mêmes, sont angoissés et ont peur de la « différence ». Ils ne vont cependant pas exprimer tout ça de la même façon.

Il y a d’abord le contexte.

Selon les récentes études sur le harcèlement scolaire, plus de 50% des agresseurs subissent ou sont témoins de violences intrafamiliales (physique, psychique, sexuelle). Ces violences créent chez eux un état traumatique et ils les reproduisent à l’école.

Ils baignent dans les propos récurrents du système familial sur le racisme, l’homophobie, le handicap, la religion, la moquerie de la différence, qui sont stigmatisés. Ils se rangent à ses derniers par « loyauté » envers la famille et les calquent à l’extérieur.

Notre société actuelle banalise la violence via les médias, les films, les séries, les jeux vidéo et les réseaux sociaux. Les agresseurs sont influencés et reproduisent ce qu’ils voient.

Le milieu social n’est pas forcément déterminant, puisque qu’on retrouve des harceleurs issus de tous les milieux sociaux et dans toutes les écoles, quels que soient les quartiers, villes, banlieues ou campagnes, dans lesquelles elles sont implantées.

On compte aujourd’hui quasiment autant de harceleurs que de harceleuses.

De la crèche aux classes enfantines, on parlera plutôt de « différenciation » entre pairs. Cela n’empêche pas les attitudes agressives et violentes de certains enfants, mais l’individuation étant encore en phase de construction, on ne parle pas de harcèlement, l’enfant n’étant pas en capacité de fédérer ses pairs.

Dès l’école primaire (6-7 ans), les enfants peuvent devenir des harceleurs. On entend alors les adultes banaliser ce fonctionnement en disant que « les enfants ne sont pas tendre entre eux » ou « que cet enfant est un meneur ». Il est difficile pour les adultes de concevoir le fait qu’ils sont témoins de harcèlement, car ils n’arrivent pas à le nommer.

Comment fonctionne le harcèlement ?

Le plus souvent, le harcèlement est une dynamique de groupe. Le harcèlement est fondé sur le rejet de la différence et sa stigmatisation. Les différences susceptibles de déclencher le harcèlement sont identiques dans tous les pays :

  • l’apparence physique sous toutes ses formes
  • l’identité de genre : garçon jugé trop efféminé, fille jugée trop masculine
  • les handicaps (essentiellement le handicap psychique ou mental tel que l’autisme)
  • l’appartenance à une minorité sociale ou culturelle
  • les compétences (premier de la classe) ou incompétences (mauvais en sport)

La violence est susceptible d’être exercée de diverses manières : physiques, morales voire sexuelles.

Le harcèlement revêt des aspects différents en fonction de l’âge et du sexe.

Les plus jeunes s’affrontent physiquement du fait d’un usage prioritaire de leur corps pour communiquer, les plus âgés utilisent plutôt le langage qu’ils ont appris à maîtriser.

Les filles font plutôt courir des rumeurs et isolent leur victime par ce biais, les garçons ont plus facilement recours à la force physique pour impressionner leur victime.

Sur les réseaux sociaux, filles et garçons utilisent les mêmes procédés de rumeurs.

Le harceleur

Il semble que plusieurs types d’agresseurs se distinguent dans les situations de harcèlement. Olweus (1978) propose une classification entre les agresseurs actifs et passifs.

Les agresseurs actifs sont ceux qui initient les comportements de harcèlement. Ils perçoivent la violence comme un moyen efficace d’obtenir des avantages dans les interactions sociales, recherchant une position de domination, souvent au détriment de l’autre qu’ils humilient. Ils manifestent un détachement émotionnel par rapport à leurs actions et montrent peu ou pas de remords. Leur moralité est de nature instrumentale, caractérisée par un fort narcissisme. Ces individus minimisent, voire nient, l’impact psychologique de leurs actes sur leurs victimes.

Les agresseurs passifs, quant à eux, agissent comme des « suiveurs ». Ils sont rarement à l’origine des actions de harcèlement, et forment un groupe hétérogène. Certains d’entre eux présentent un déficit en compétences sociales, tandis que d’autres, à l’inverse, démontrent une intelligence stratégique, leur permettant de manipuler les dynamiques sociales à leur avantage.

Le harcèlement comme moyen de gestion des émotions

Certains harceleurs utilisent le harcèlement pour réguler leurs propres frustrations ou angoisses. Ils externalisent leurs propres émotions négatives sur autrui, notamment en s’attaquant à des victimes plus faibles. Les recherches montrent que ces individus peuvent eux-mêmes avoir subi des violences, physiques ou émotionnelles, dans un cadre familial ou social, les amenant à reproduire ces comportements dans un environnement scolaire. Rigby et Slee (1999) notent que le harceleur peut ainsi utiliser l’agression comme une échappatoire à ses propres insécurités ou difficultés émotionnelles non résolues.

Les bénéfices sociaux

Un autre mécanisme fréquemment observé chez les harceleurs est l’obtention de bénéfices sociaux secondaires. En harcelant, ils renforcent leur position auprès de leurs pairs, soit en s’attirant la sympathie d’autres jeunes, soit en instaurant un climat de peur qui leur confère un certain prestige.

Le manque d’empathie et la désensibilisation

Un trait marquant chez de nombreux harceleurs est le manque d’empathie pour leurs victimes. Ils ne ressentent pas la souffrance qu’ils infligent, soit parce qu’ils n’ont pas développé cette capacité d’identification à autrui, soit parce qu’ils se sont désensibilisés à la souffrance des autres par une exposition répétée à des comportements agressifs. Des études psychologiques, telles que celles menées par Farrington (1993), suggèrent que la désensibilisation à la violence peut survenir dans des environnements familiaux ou sociaux où les comportements agressifs sont tolérés, voire encouragés.

Mes interventions en milieu scolaire

Il est essentiel de désamorcer le harcèlement scolaire lorsque celui-ci est révélé. Dans mon travail de thérapie familiale à domicile, lorsque les familles me signalent une problématique de harcèlement, je propose automatiquement de mettre en place une réunion avec les parents de la victime ou du harceleur, les enseignants, la direction de l’établissement et moi.

L’objectif est de donner à tous, un éclairage systémique sur les mécanismes du harcèlement en cours et d’apporter des outils pour solutionner le problème.

Car il n’existe pas d’outils duplicables et applicables de la même façon pour tous les établissements. Il faut obligatoirement les adapter à chaque situation, contexte et individus impliqués.